mercredi 12 décembre 2012

Rétrospective Permeke

Ici, par contre, aucune déception: une fabuleuse rétrospective. Moi qui connais bien Permeke, j'ai eu l'impression de ne voir que des tableaux inconnus - c'est dire si cette expo a rassemblé nombre d'oeuvres venant de collections privées, et qu'on ne voit pratiquement jamais. Tous les thèmes chers à l'expressionniste flamand sont illustrés: les marines sombres, les paysages du plat pays, les portraits des petites gens, pêcheurs, paysans, les grands nus féminins, et même quelques sculptures. Aussi, très rares chez cet artiste, quelques tableaux traités dans les couleurs vives et claires. Vraiment, un éblouissement. Et comme me faisait remarquer un visiteur grec avec qui j'ai échangé quelques mots, absolument extraordinaire comment, à partir de portraits de pauvres gens pourtant bien typés, pêcheurs d'Ostende ou paysans des polders, il atteint l'universalité. Parole d'un homme du sud, de culture méditerranéenne.
Autre bon point des organisateurs: le parallèle avec deux artistes contemporains, dont les oeuvres sont exposées à mi-parcours pour Marlène Dumas (des nus près prenants)et en fin de course pour Thierry de Cordier (un petit comique, qui déclare s'en taper (sic)qu'on comprenne quelque chose à ce qu'il peint, parce qu'il n'y a rien à comprendre)
http://www.bozar.be/tv.php?vId=6891&cId=0&wId=1758&mId=15093



PS pour Jérôme: Dexia n'a pas prêté son grand Permeke

Chypre à l'honneur

A Paris et à Bruxelles... Une expo de prestige au Louvre, que je ne verrai sans doute pas (pas d'escapade prévue à Paris avant longtemps), aussi j'ai voulu me consoler avec l'expo du Cinquantenaire à Bruxelles. Grosse déception: si par hasard vous parvenez à trouver l'endroit, une salle confidentielle au fond des caves, très (trop) discrètement fléchée, avec des portes haute sécurité que vous hésitez à pousser, vous vous trouvez devant une exposition pour profs d'histoire, avec des panneaux de lecture interminables, des reconstitutions didactiques pour classes en voyage obligatoire, et quelques vitrines d'objets rares (ouf, quand même), soigneusement étiquetés (le seul point positif), bref un truc pour mordus d'histoire et d'archéologie, peu regardants sur la manière et la présentation. On peut lâcher le mot ennuyeux.

Vu que j'avais payé pour me trouver là, j'ai fait l'effort de lire les panneaux et de m'instruire. Et j'ai appris comment la mer fut à la fois un obstacle (une protection si vous préférez) et un débouché qui permit de fructueux contacts avec les civilisations voisines, égyptiennes, anatoliennes, mycéniennes, phéniciennes, grecques et finalement romaines. L'expo est d'ailleurs sous-titrée: le dialogue des cultures. Je ne vais pas vous dire d'y courir, sauf si vous êtes d'avance passionné par le sujet.

vendredi 7 décembre 2012

Cabaret New Burlesque

Tout autre chose...
Avez-vous vu le film de Mathieu Almaric, Tournée, lauréat de nombreux prix en 2010 et 2011 ? Moi non, j'ai raté cela, mais je me suis rattrapée hier soir. Car la troupe du film continue à monter des spectacles, à l'affiche cette semaine au très sérieux théâtre de Namur.
Le new burlesque est l'héritier d'une longue tradition du music hall anglo-saxon. A la fois satire sociale, grivoiserie et numéros musicaux, le burlesque a fini par perdre ses particularités et se cantonner dans le simple strip-tease à usage des maisons spécialisées. Le New Burlesque veut le renouveau du genre, en y réintroduisant humour, satire, glamour, chorégraphie, théâtre et élégance. Bien sûr ces dames sont avant tout des effeuilleuses, mais avec tant de drôlerie, d'insolence et de décontraction qu'on ne boude pas son plaisir. Elles assument pleinement leur féminité et leur corps - que dites-vous de Dirty Martini en rouge ? Sur le plan vulgarité, c'est un peu limite, mais bon, ça passe dans la bonne humeur. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut aller voir un strip-tease sous le prétexte de culture.

Les artistes étaient au nom de six, en comptant un homme (oui on a eu droit aussi à un strip masculin) et une meneuse de revue sensationnelle. Qui s'exprimait en anglais - pour comprendre toutes les finesses fallait être un peu polyglotte. On pouvait acheter des photos et des accessoires coquins à la sortie.
Le spectacle était aussi dans la salle, en général des abonnés et des couples d’âge mûr.

Anna Karenine

Pour une fois je vais déroger à l'habitude de ce blog et parler cinéma. Le chef d'oeuvre de Tolstoï a été repris au ciné une demi-douzaine de fois, avec des acteurs d'exception, et l'on pourrait croire que tout a été dit. Pas du tout, et il faut courir dans la salle la plus proche pour ne pas rater ce film qui sort vraiment de l'ordinaire. Pas un récit classique de type historique - mais un truc hybride qui tient à la fois du théâtre, du ballet et de l'opéra. Même les extérieurs sont filmés comme des décors de théâtre, les changements de plan vous emmènent dans les coulisses ou la machinerie. C'est très beau visuellement - la chorégraphie de la scène de bal est une réussite esthétique de haut niveau. Les acteurs incarnent exactement les personnages comme ils sont dans mon imagination, surtout le beau Vronsky. Ce n'est pas tous les jours que l'on est comblé par un film qui met en scène un livre qu'on a aimé...


Mamma Medea

Oui il est bien question de Médée, la Médée de l'antiquité, celle qui aida de ses pouvoirs Jason et ses argonautes dans leur mission de ravir la toison d'or. Euripide nous a donné une version violente, et celle de Tom Lanoye * plus violente encore si possible, car transposée dans le monde actuel - plus proche de nous, moins exotique. Certes les personnages ont gardé leur nom, Médée sauvage et passionnée, Jason rusé et nonchalant, Créuse un peu sosotte, et tous les autres, typés, presque caricaturaux. La première partie est centrée sur la passion dévorante de Médée pour Jason, et les massacres qui s’accumulent dans la quête de la toison d'or; la deuxième partie, par contre, est centrée sur le déchirement du couple - avec des accents tellement contemporains- que chacun peut y trouver des échos dans sa propre vie. Médée passe de la passion à la haine avec une rare violence. Universalité des mythes fondateurs, des tragédies antiques. Interprétation hors pair. On sort de là remué jusqu'aux tréfonds de son âme.
Mise en scène Christophe Sermet, Rideau de Bruxelles.
*Ecrivain belge d'expression néerlandaise (1958), romancier, dramaturge, poète, essayiste etc.; le texte original en néerlandais est projeté sur un mur; les acteurs disposent de la traduction française de Alain van Crugten